Le premier secret

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Le premier secret confié à Vénus, François Jouffroy

J’avais toujours besoin de modèles. Je ne pouvais évidemment pas me permettre de les payer et j’en étais réduit à me contenter du peu de temps que l’on m’offrait.

Mais cette fois c’était différent. Elle avait toqué timidement à la porte de l’atelier. On lui avait vanté mon talent avait-elle dit. Nul doute qu’on s’était moqué d’elle et de sa naïveté. Dès que je la vis, je sus. Elle dégageait cette candeur innocente propre à son âge et pourtant son corps avait déjà l’incandescence animale de la femme qu’elle devenait. J’avais rêvé de ce « premier secret » et voilà que son incarnation se tenait devant moi.

Je la laissais errer dans mon antre, au milieu des pièces à demi achevées, étudiant tous ses gestes, tout ce qui faisait d’elle une Vénus en train de prendre chair. Elle semblait inconsciente de mon regard posé sur elle ou plutôt elle ne s’en souciait pas.

Je lui expliquais simplement comment j’allais travailler avec elle et elle accepta d’un geste doux de la tête. Je lui indiquais l’estrade où se trouvait le buste de Vénus à demi fini et elle y monta, semant derrière elle ses vêtements avec un abandon qui me fit fondre. Je fermais les yeux.

Elle était toujours là lorsque je les rouvris, rêve fou de sculpteur, se tenait sur la pointe des pieds pour scruter le buste de plus près. M’approchant lentement, comme pour ne pas effrayer une biche farouche, je tendis la main vers sa peau de lait. Doucement je laissais mes doigts effleurer ses mollets. Elle se figea mais je la sentais frémir. Je laissais ma main remonter doucement, dessinant le contour des cuisses fines, des hanches rondes. Mes doigts admiraient en silence le méplat arrondi du ventre et le creux du nombril, faisaient connaissance avec les courbes délicates du dos et la complexe et fascinante mécanique de l’épaule. Un doigt courant sur la clavicule et remontant vers l’oreille lui arracha un soupir. Son visage rosi était extatique. Rassemblant ses cheveux dénoués dans mon poing, je lui fis lever la tête et poursuivit mon exploration de ses traits délicats, résistant à la tentation d’utiliser, pour explorer ses reliefs, mes lèvres, ma langue, tout mon corps.

Je laissais mes caresses se faire plus douces et m’éloignais, la laissant dans cette pose ingénue, semblant parler au buste impassible. Je pris une motte de glaise et eus vite fait de reproduire sa forme ensorcelante dans la terre humide. Mes mains encore pleines du souvenir de ses creux et de ses seins travaillaient sans effort. J’avais fermé les yeux. Lorsque je revins à moi, elle n’avait pas bougé, déesse de chair incarnée, vivante et chaude. Puis elle tendit sa main vers moi et ce fut mon âme qu’elle sculpta.

Elle ne revint jamais mais sa visite fut pour moi un univers en soi, un grain d’éternité, condensé, confié au marbre dur. Ainsi son souvenir survivra aux siècles, éternelle première fois.

Dessin au bic par Saba-chan

Écrit au Louvre, en compagnie du dessinateur, ❤️Saba-chan

Le secret d’en haut

Belle rose

Femme piquée par un serpent, Auguste Clésinger

«Belle allons voir si la rose…» Belle allons voir si la rose, ces quelques vers en boucle dans sa tête comme une ritournelle, insupportables, vidés de sens à force de répétition. Bélalon, bélalon… car la rose éclose, la rosée close, la rozécloze, bélalon alarozécloze, ça faisait un abracadabra parfait !
Fatiguée de sa cueillette dans la touffeur d’août, elle posa son bouquet et s’allongea à l’ombre du rosier. Elle sombra lentement dans un sommeil agité, où le rosier fâché la poursuivait et finissait par la mordre d’une mâchoire d’épines.
Éveillée en sursaut par une douleur vive, elle se tordit et vit épouvantée un éclair vert disparaître sous fourré. Sur sa belle cuisse blanche, deux piqûres où perle le sang carmin.

Héraclès et Télèphe

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– Arrête de gigoter !
– Mais veux jouer avec le lion papa !
– Arrête de gigoter tu vas tomber !
– Mais-héééééé-ouiiiiiin !
– Très bien !

Il posa son fils au sol. A peine les petits pieds eurent-ils touché terre que l’enfant décampa vers le corps ensanglanté. Sa mère va me tuer pensa Héraclès résigné. Continue reading « Héraclès et Télèphe »

Lucius Verus

Lucius Verus, co-empereur de Marc Aurèle de 161 à 169, marbre.

J’ai réussi. Me voici enfin en présence de l’empereur. Moi qui suis si sûr de ma force, de mon courage, moi qui me suis répété un million de fois qu’un empereur n’est qu’un homme, me voilà impressionné par cette présence. Le doute m’envahit. Ma raison a beau énumérer tous les arguments si souvent ressassés contre la nature divine des empereurs romains, mon âme est sensible aux qualités qui se devinent en ce souverain. Il n’est pas si grand, il n’est même pas si musclé, mais il a ce regard, ce regard changeant.

Continue reading « Lucius Verus »

Crumble de courgettes

Il y a depuis quelques mois un motif récurrent : presque chaque fois qu’on m’invite à manger, on me cuisine des courgettes. J’aime pas les courgettes. Enfin j’aime pas les ronds de courgettes cuits à l’eau. Ni la soupe de courgettes. Mais en fait après les soufflés chèvre-courgettes, le gratin de courgettes, les courgettes râpées en salade et les rondelles de courgettes citron-olive, je m’aperçois que c’est pas mauvais, la courgette. Bon, je vais peut-être essayer de l’ajouter à mes menus alors…

J’ai cherché sur Alter Gusto, ma botte secrète en cuisine (quoi c’est plus secret si je le publie ?) mais une fois n’est pas coutume, Alter Gusto m’a laissé tomber. Rien, nada, pouic. Bon, je vais inventer un truc alors. Disons un genre de crumble puisque j’ai pas de fromage pour gratiner.

Alors, qu’est-ce que j’ai dans mon frigo ?

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Ingrédients :

– des convives sympathiques (moi, j’avais ❤Em)
– une petite courgette
– une gousse d’ail
– la moitié d’un oignon
– sel, poivre, romarin
– une poignée de pignon de pin concassés
– un filet d’huile d’olive

💡 de la feta ou du fromage de chèvre frais émietté
Cuisson : environ 20 minutes à 180°C

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La recette :

Couper la courgette en bâtonnets (c’est TRES important). Émincer l’oignon et le faire revenir avec un peu d’huile (préférez le pépin de raisins à l’olive, elle supporte mieux la chaleur). Émincer l’ail et l’ajouter dès que l’oignon blondit. Laisser revenir quelques minutes. Saler, poivrer, ajouter le romarin.

Verser dans un plat passant au four, ajouter les courgettes en répartissant bien l’oignon et l’ail, saupoudrer avec les pignons pin moulus et ajouter un filet d’huile d’olive.

J’ai quand même trouvé un accompagnement sympa sur Alter Gusto : le pain express. J’ai adapté la recette, n’ayant pas de bière j’ai voulu remplacer par de l’eau gazeuse -que j’ai complètement oubliée et remplacée par de l’eau plate. J’ai ajouté du thym et des pignons de pin. Le tout a été dégusté lors d’un pique-nique atypique, un soir de juillet couvert. On a même eut quelques gouttes mais on n’a pas été embêtés par la foule…