Un classique

This entry is part 16 of 22 in the series Albert

Pas de grande invention ces jours-ci mais du très classique, toujours bon à réentendre :

Albert : Si ce serait facile, tout le monde le ferait.

[itg-tooltip qtiptrigger= »responsive » tooltip-content= »<p>Je dis ça souvent à propos d’Albert non ? Comme quoi c’est (pas) que des conneries…</p> »]CQFD[/itg-tooltip]

Errance

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Escalier Lefuel, le Louvre

Je m’accrochais à mon épée comme un noyé à sa planche. Je n’avais plus conscience que de mon poing, serré autour de la garde jusqu’à la crampe. Le mouvement machinal de mes pieds se poursuivait obstinément, l’un devant l’autre, l’un après l’autre et ne parvenait plus à mon cerveau abruti de fatigue qu’à travers le pic aigu de douleur au moment où le membre meurtri heurtait le sol. Avais-je seulement encore les yeux ouverts ? Je longeais le mur du couloir en tâtonnant dans la lumière surnaturelle. Je longeais le mur du couloir en tâtonnant. Je longeais le mur. Où étais le mur ? Emportée par mon inertie exténuée, je ne posais pas le pied sur le sol. Mon autre jambe entama un nouveau pas comme si la première reposait sur une surface solide et je chutais lourdement dans le fracas du métal heurtant la pierre.

Silence. Continue reading « Errance »

Heureuse qui comme Ulysse !

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Je jure solennellement (sur ma tête de sorcière) qu’on n’a pas touché un seul cheveu de fée lors de cette mue impromptue.

I solemnly swear (and I give you my word as witch) that not a single fairy hair was harmed during this impromptu moult.

La chevelure d’or brun de Mélusine, comme les feuilles, tombe. Il n’y a pas eu de cliquetis, ni d’ombre, pas de grincement, de craquement, de cri dans la nuit. Les ciseaux étaient d’argent et le soleil haut dans le ciel.

As the leaves fall, so does the golden brown hair of Mélusine. There was no creaking, no sneaking, no shadow nor cry in the dead of night. The scissors were silver and the sun high in the sky.

Voyons le bon côté : maintenant que mes cheveux ne me volent plus dans la figure, je vais enfin pouvoir utiliser mon stock de rouge à lèvre 🙂

On the bright side, now that hair won’t fly in my mouth anymore, I’ll get to use my stash of lipstick 😉

Remove the row

Column: 1

Chanson d’automne

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Column: 2

 

Autumn

The morns are meeker than they were,
The nuts are getting brown;
The berry’s cheek is plumper,
The rose is out of town.

The maple wears a gayer scarf,
The field a scarlet gown.
Lest I should be old-fashioned,
I’ll put a trinket on.

by Emily Dickinson

 

Carambar

Pour une fois je vais jouer la facilité, non pas que je trouve la blague spécialement drôle mais je me sens concernée… 

Le comble de la sorcière ? Avoir des doigts de fée… 

Et pourquoi pas manger de la baguette ? Et puis qu’est-ce que c’est que cette vision binaire de la méchante sorcière et de la gentille fée qu’on nous sert habituellement ? Je m’insurge ! Et je revendique : je suis une sorcière, j’en suis fière. Une sorcière, c’est une petite maline dotée de première vue, de second degré et d’un bout de ficelle, je le rappelle. J’ai même les grimoires (la version moderne électronique), les potions (ne me lancez pas sur le sujet des huiles essentielles) et le chat noir chien blanc (flûte, disons que c’est pour camoufler un peu). 

Les fées ne sont que des sorcières ratées douées pour la communication : comme d’habitude les grandes gueules incompétentes tiennent le haut du pavé pendant que c’est bibi qui fait le vrai boulot. Ainsi va le monde. 

Figure-De-Proue

Au commencement fut la vitesse, la pure jouissance du vent sous mes ailes. 

Je me réaccoutumais sans heurts à chevaucher la bécane puissante, ressentant chaque accélération dans mes os, resserrant instinctivement mes cuisses autour du conducteur, cherchant encore la meilleure prise pour mes bras.

J’ancrais mes serres puissantes sur ma monture, une étreinte solide et inébranlable. Ma queue mélusine, serpentine, se lovait à sa place habituelle, kundalini secrète au sein du ventre de Figure-De-Proue. Je tendis mon cou vers le zénith et glapis du pur plaisir de la course. 

L’intense joie animale de la vitesse m’envahit. Je serrais mes bras autour de l’homme devant moi, me laissant emporter sur la rivière de bitume, dans l’éternel instant sensuel et le bloc chaleureux de confiance. Tout mon corps tendu pour la course, je respirais les odeurs chaudes des champs. Loin à gauche, un renard à l’arrêt attira mon œil et resta sur place, distancé par la symphonie vrombissante du moteur. Je sentais mon ventre s’émouvoir au rythme de l’accélérateur et retenais à peine un cri de plaisir animal à mes lèvres silencieuses.

J’ouvris grand mes ailes et le vent me souleva d’un coup. Je planais un moment au dessus de Figure-De-Proue. Paresseuse au soleil, j’arrachais négligemment quelques feuilles à la canopée. Je sentis la surprise de Figure-De-Proue ‘Tu es végétarienne ?’ Amusée, je m’évadais dans la forêt.

Je la sentais s’ébattre dans la mer végétale, jouer avec le vent et se gorger de soleil. J’aspirais avec délices les senteurs du sous-bois humide, mousse et champignons, reçus la brève ondée de bon gré et découvris enfin le cœur médiéval du village. Comme toujours la vue de maisons pluricentenaires envoya tournoyer dans mon cerveau des images de ceux qui y avaient vécu, aimé et y étaient morts. La rivière, impermanence éternelle, étalait sa langueur en bras et canaux, bassins et chutes, déserts en cette fin d’été parsemée de pluie. Je cherchais la vouivre mais elle dissimulais sa présence, magicienne rouée. Ce n’est que lorsque je fus seule qu’elle se révéla enfin, béate créature, triple fantasque, émergeant de l’onde profonde sans y laisser une ride. Son corps mordoré se fondait dans l’arrière plan de vase et d’algues, les reflets de son feu intérieur dans l’éclat du couchant, ses ailes réduites à de fines nageoires, seul la trahissait son œil bleu glacier. J’admirais l’abandon de sa nature sauvage, la magie qui sourdait de sa seule présence, observant ses mouvements dont la fluidité se jouait et de l’eau et du vent.

J’étais émerveillée de sa beauté sauvage, puissante. C’était la première fois que je pouvais l’admirer vraiment et je la trouvais magnifique. Je détournais un instant les yeux du spectacle fabuleux et elle en profita pour s’éclipser. Dans ma tête toujours une interrogation : ‘Quel est ton nom ?’

Je suis toi, trois fois toi, eau, air, feu, béate bête triple, Béatrice…

M’éloignant du village, je vis niché en creux, la pointe d’un vieux clocher. Autour s’enroulait, queue de serpent, et au dessus battait, ailes au vent, la fière béate trine, éclatante mélusine.


Écrit à Moret-sur-Loing… avec pour muse, une Ducati 800cc

Figurehead

In the beginning was speed and the pure joy of the wind beneath my wings.

I reacquainted myself smoothly with how to ride a powerful bike, feeling each acceleration in my bones, my legs instinctively tightening around the rider, while still seeking the best position for my arms.

I anchored my claws on my mount, a solid and unwavering embrace, my serpentine tail coiled in its usual place, secret kundalini in the belly of The-Figurehead. I stretched my neck to the zenith and yelped the sheer pleasure of the race.

The intense, animal joy of speed overcame me. I closed my arms around the man in front of me, letting myself be carried on the asphalt river, into the eternal moment of sensuality and the warm embrace of trust. My whole body tense for the race, I breathed the warm smell of the fields. Far left, a fox stopped caught my eye and was left behind, distanced by the roaring symphony of the engine. I felt my femininity vibrating in rhythm with the accelerator and barely held back an animal cry by my silent lips.

I opened my wings wide and the wind lifted me at once. I hovered a while above The-Figurehead. Planing lazily in the sun, I carelessly plucked a few leaves  from the canopy. I felt the surprise of The-Figurehead ‘You are a veggie?’ Amused, I dived into the forest.

I felt her frolic in the vegetal ocean, playing with the wind and bathing in hot sun. I smelt with delight the scents of damp undergrowth, moss and mushrooms, received the brief downpour with a smile and finally discovered the medieval heart of the village. As always the sight of centuries old houses sent images of those who lived, loved and died there spinning in my head. The river, eternal impermanence, laid her languid canals, ponds and waterfalls, deserted in this late summer peppered with rain. I was looking for the wyvern but she concealed her presence well, artful magician that she was. Only when I was alone did she finally reveal herself, blissful creature, triple whimsical, emerging from deep water without a wrinkle. Her golden green body melted into the bronze vase and algae background, reflections of her inner fire mixed in the glow of the setting sun. Her wings reduced to thin fins, she was betrayed only by her ice-blue eyes. I admired the abandonment of her wild nature, the magic that welled from her presence, observed her movements and how fluidly she played with water and wind.

I was dazed by her rugged, powerful beauty. It was the first time I could really see her and she looked amazing. I averted my eyes just a moment from the fabulous display and she took the opportunity to slip away. In my head a question stayed: ‘What is your name?’

I am you, once, water,
I am you, twice, air
I am you, thrice, fire
Blissful trine beast, Beatrice…

As I rode away from the village, I saw, nestled in the dale, the tip of an old steeple. Around was winding, tail of serpent, and above beating, wings of wind, the blissful fiery beast, the melusine.


Written at Moret-sur-Loing… my muse was a Ducati 800cc

Rise of the Wyvern

We are late and for once I want to see the basement of the museum so we probably won’t write the way we use to. My guide show me to a room where the foundations of the Middle-Age castle are visible. I barely step in the room that I feel uneasy. Would that be my part-time claustrophobia playing tricks on me ? But the ceiling is at least 10 metres high and the walls are anything but oppressive.

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Douves, Louvre et Vouivre

Nous sommes venus un peu tard et j’ai envie de voir les sous-sols du musée pour une fois, alors nous n’écrirons sans doute pas comme nous en avons pris l’habitude. Mon guide m’entraîne vers une salle où sont visibles les fondations du château, celui du Moyen-Âge. A peine entrée dans cette salle des Douves, je me sens mal à l’aise. Serait-ce encore ma claustrophobie intermittente qui me joue des tours ? Mais le plafond est au moins à 10 mètres et on ne peut pas dire que les murs soient oppressants.

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Bindi : Oh-Ophelia…

Je sentis mon esprit s’ouvrir d’un seul coup. L’axe qui me traversait du sommet du crâne aux talons s’enfonçait dans la terre, dans les sombres profondeurs minérales et s’élançait dans les cieux et la noirceur déserte entre les soleils.
Mon regard embrassait le monde et rien de ce qui s’y passait ne m’était caché, de l’insignifiant lombric qui creusait la terre au puissant souverain murmurant un secret à sa maîtresse et jusqu’aux raisons de l’errance des astres. Tout cela devint mon être et s’étendit encore. Il n’y eut plus de « je » mais seulement pure conscience d’être. Conscience franchit un seuil et le temps disparut. Tous les instants de tous les lombrics de l’univers lui furent accessibles.

1903, 15 octobre.
2 passage Vérité, Paris, petit boudoir au premier étage.

Marcus avait toqué plusieurs fois à la porte sans avoir de réponse. Inquiet, il finit par entrer. Ophélia était là, endormie. Pâle. Inerte. Il se précipita et vit qu’elle avait le Livre, ouvert, dans sa main déjà froide comme la pierre. Entre ses yeux grands ouverts, une ride à la forme étrange s’estompait rapidement. Marcus prit le Livre et le remit dans sa boîte cadenassée. Son maître avait eu raison de le mettre en garde et Ophélia avait été sotte de ne pas écouter. Accablé, il la recouvrit et pleura.

Conscience pleura avec lui et rit, s’affligea et se réjouit.

Cela fut, ce sera, l’histoire d’Ophélia qui s’arrête comme ça.


Avec cette ritournelle dans la tête, Oh-O-phe-lia…

Oh, Ophelia, you’ve been on my mind girl since the flood
Oh, Ophelia, heaven help a fool who falls in love


Écrit au Louvre, avec ❤️Saba qui a (!!) dessiné autre chose pendant ce temps-là.