Été indien

J’aime le début de l’automne. Le soleil n’est plus si brûlant et l’air chauffé pendant l’été reste d’une douceur incomparable qui ne se retrouve à aucun autre moment de l’année. Les fruits d’automne mûrissent encore, on trouve des figues sucrées et des noisettes croquantes. Les parfums non plus ne ressemblent à aucun autre. Le platane exhale une senteur douceâtre dans la moiteur orageuse tandis que l’odeur âpre du figuier imprègne l’air sur plusieurs mètres à la ronde. Les odeurs sont comme l’air, rondes, chaudes, balsamiques et même la pluie qui commence est douce. Que j’aime cette saison !

Celle qui sait 

Libuse, la prophétesse, Karel Masek

Je flotte à la dérive, sans attache. Je flotte dans l’Océan, dans la Matière protéiforme de l’Espace et du Temps.

Ils sont venus à moi avec leurs questions, avec leur foi inébranlable.

– Libùsè, toi qui sait, me supplient-ils, dis-nous les guerres, les mariages, les saisons.

Comment puis-je leur refuser ce réconfort, même si je le sais vain ? Ils croient que c’est là un pouvoir, que savoir leur donne prise sur leur futur mais ce savoir là les enferme, fige leur destin comme si c’était ma parole qui lui donnait forme.

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Un classique

This entry is part 16 of 22 in the series Albert

Pas de grande invention ces jours-ci mais du très classique, toujours bon à réentendre :

Albert : Si ce serait facile, tout le monde le ferait.

[itg-tooltip qtiptrigger= »responsive » tooltip-content= »<p>Je dis ça souvent à propos d’Albert non ? Comme quoi c’est (pas) que des conneries…</p> »]CQFD[/itg-tooltip]

Errance

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Escalier Lefuel, le Louvre

Je m’accrochais à mon épée comme un noyé à sa planche. Je n’avais plus conscience que de mon poing, serré autour de la garde jusqu’à la crampe. Le mouvement machinal de mes pieds se poursuivait obstinément, l’un devant l’autre, l’un après l’autre et ne parvenait plus à mon cerveau abruti de fatigue qu’à travers le pic aigu de douleur au moment où le membre meurtri heurtait le sol. Avais-je seulement encore les yeux ouverts ? Je longeais le mur du couloir en tâtonnant dans la lumière surnaturelle. Je longeais le mur du couloir en tâtonnant. Je longeais le mur. Où étais le mur ? Emportée par mon inertie exténuée, je ne posais pas le pied sur le sol. Mon autre jambe entama un nouveau pas comme si la première reposait sur une surface solide et je chutais lourdement dans le fracas du métal heurtant la pierre.

Silence. Continue reading « Errance »

Heureuse qui comme Ulysse !

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Je jure solennellement (sur ma tête de sorcière) qu’on n’a pas touché un seul cheveu de fée lors de cette mue impromptue.

I solemnly swear (and I give you my word as witch) that not a single fairy hair was harmed during this impromptu moult.

La chevelure d’or brun de Mélusine, comme les feuilles, tombe. Il n’y a pas eu de cliquetis, ni d’ombre, pas de grincement, de craquement, de cri dans la nuit. Les ciseaux étaient d’argent et le soleil haut dans le ciel.

As the leaves fall, so does the golden brown hair of Mélusine. There was no creaking, no sneaking, no shadow nor cry in the dead of night. The scissors were silver and the sun high in the sky.

Voyons le bon côté : maintenant que mes cheveux ne me volent plus dans la figure, je vais enfin pouvoir utiliser mon stock de rouge à lèvre 🙂

On the bright side, now that hair won’t fly in my mouth anymore, I’ll get to use my stash of lipstick 😉

Remove the row

Column: 1

Chanson d’automne

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Column: 2

 

Autumn

The morns are meeker than they were,
The nuts are getting brown;
The berry’s cheek is plumper,
The rose is out of town.

The maple wears a gayer scarf,
The field a scarlet gown.
Lest I should be old-fashioned,
I’ll put a trinket on.

by Emily Dickinson

 

Carambar

Pour une fois je vais jouer la facilité, non pas que je trouve la blague spécialement drôle mais je me sens concernée… 

Le comble de la sorcière ? Avoir des doigts de fée… 

Et pourquoi pas manger de la baguette ? Et puis qu’est-ce que c’est que cette vision binaire de la méchante sorcière et de la gentille fée qu’on nous sert habituellement ? Je m’insurge ! Et je revendique : je suis une sorcière, j’en suis fière. Une sorcière, c’est une petite maline dotée de première vue, de second degré et d’un bout de ficelle, je le rappelle. J’ai même les grimoires (la version moderne électronique), les potions (ne me lancez pas sur le sujet des huiles essentielles) et le chat noir chien blanc (flûte, disons que c’est pour camoufler un peu). 

Les fées ne sont que des sorcières ratées douées pour la communication : comme d’habitude les grandes gueules incompétentes tiennent le haut du pavé pendant que c’est bibi qui fait le vrai boulot. Ainsi va le monde. 

Figure-De-Proue

Au commencement fut la vitesse, la pure jouissance du vent sous mes ailes. 

Je me réaccoutumais sans heurts à chevaucher la bécane puissante, ressentant chaque accélération dans mes os, resserrant instinctivement mes cuisses autour du conducteur, cherchant encore la meilleure prise pour mes bras.

J’ancrais mes serres puissantes sur ma monture, une étreinte solide et inébranlable. Ma queue mélusine, serpentine, se lovait à sa place habituelle, kundalini secrète au sein du ventre de Figure-De-Proue. Je tendis mon cou vers le zénith et glapis du pur plaisir de la course. 

L’intense joie animale de la vitesse m’envahit. Je serrais mes bras autour de l’homme devant moi, me laissant emporter sur la rivière de bitume, dans l’éternel instant sensuel et le bloc chaleureux de confiance. Tout mon corps tendu pour la course, je respirais les odeurs chaudes des champs. Loin à gauche, un renard à l’arrêt attira mon œil et resta sur place, distancé par la symphonie vrombissante du moteur. Je sentais mon ventre s’émouvoir au rythme de l’accélérateur et retenais à peine un cri de plaisir animal à mes lèvres silencieuses.

J’ouvris grand mes ailes et le vent me souleva d’un coup. Je planais un moment au dessus de Figure-De-Proue. Paresseuse au soleil, j’arrachais négligemment quelques feuilles à la canopée. Je sentis la surprise de Figure-De-Proue ‘Tu es végétarienne ?’ Amusée, je m’évadais dans la forêt.

Je la sentais s’ébattre dans la mer végétale, jouer avec le vent et se gorger de soleil. J’aspirais avec délices les senteurs du sous-bois humide, mousse et champignons, reçus la brève ondée de bon gré et découvris enfin le cœur médiéval du village. Comme toujours la vue de maisons pluricentenaires envoya tournoyer dans mon cerveau des images de ceux qui y avaient vécu, aimé et y étaient morts. La rivière, impermanence éternelle, étalait sa langueur en bras et canaux, bassins et chutes, déserts en cette fin d’été parsemée de pluie. Je cherchais la vouivre mais elle dissimulais sa présence, magicienne rouée. Ce n’est que lorsque je fus seule qu’elle se révéla enfin, béate créature, triple fantasque, émergeant de l’onde profonde sans y laisser une ride. Son corps mordoré se fondait dans l’arrière plan de vase et d’algues, les reflets de son feu intérieur dans l’éclat du couchant, ses ailes réduites à de fines nageoires, seul la trahissait son œil bleu glacier. J’admirais l’abandon de sa nature sauvage, la magie qui sourdait de sa seule présence, observant ses mouvements dont la fluidité se jouait et de l’eau et du vent.

J’étais émerveillée de sa beauté sauvage, puissante. C’était la première fois que je pouvais l’admirer vraiment et je la trouvais magnifique. Je détournais un instant les yeux du spectacle fabuleux et elle en profita pour s’éclipser. Dans ma tête toujours une interrogation : ‘Quel est ton nom ?’

Je suis toi, trois fois toi, eau, air, feu, béate bête triple, Béatrice…

M’éloignant du village, je vis niché en creux, la pointe d’un vieux clocher. Autour s’enroulait, queue de serpent, et au dessus battait, ailes au vent, la fière béate trine, éclatante mélusine.


Écrit à Moret-sur-Loing… avec pour muse, une Ducati 800cc