C’est la fin d’une douce après-midi d’automne. De gros nuages d’orage anthracite surplombent l’allée de platanes dont la perspective ouvre au loin sur une mer changeante. Un soleil d’or cuivré jette des rais de lumière horizontaux, illuminant les nuages menaçants par dessous et créant un contraste doré sur la chevelure des arbres. L’air chargé d’humidité exalte leur parfum douçâtre un peu mélancolique. Je l’observe en silence tandis qu’elle sature tous ses sens de la douceur du soir.
La brise du large agite les mèches échappées de son chignon lâche et ses long cheveux blonds caressent sa nuque. Tournée vers la mer, elle a fermé les yeux. Les oiseaux se sont tus face à l’orage imminent, on n’entend plus que le vent qui forcit et apporte avec lui le bruit lancinant des vagues.
Cannelle porte une robe bleue marine nouée d’un ruban noir qui souligne la plénitude de ses seins et je me souviens de la première fois que je l’ai serrée dans mes bras. Le souvenir fait surgir avec lui une émotion indicible et j’avance vers elle, confiant qu’elle m’accueillera avec joie.
Mon pas sur le gravier lui a rappelé ma présence sans doute : elle ouvre les yeux. Ses magnifiques yeux bleus, que j’ai vus tantôt rêveurs, tantôt observateurs se fixent sur moi. Elle me sourit et comme j’approche, elle ouvre ses bras. Je l’attire près de moi et je suis enfin tout contre elle. Son corps est chaud et tendre contre le mien ; serrés l’un contre l’autre nous nous abandonnons à cette étreinte. Elle a posé sa tête contre la mienne et je peux sentir son souffle hésitant contre ma peau. Son parfum léger m’enveloppe dans un cocon délicieux et pendant un instant nous restons suspendus dans un bonheur éternel. Je la sens palpiter au rythme de sa respiration, de petits mouvements qui sont une caresse délicate entre mes bras. Je ne peux plus les voir mais j’imagine ses lèvres pleines entrouvertes par son souffle.
Une grosse goutte tiède s’écrase sur mon bras, bientôt suivie par ses grandes sœurs. Je la prend par la main et nous courrons vers le kiosque voisin. Enlacés, nous regardons la pluie tomber.