L’enfant sorcière

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Alfred et moi
Tout a commencé par une chanson. C’était les vacances de Noël et je me ressourçais dans mon pays natal, dans ma famille. Mes parents écoutaient un album de Thomas Fersen qu’ils trouvaient de grande qualité, « Je suis au Paradis ». Étant moi-même plutôt fan de ce chanteur que j’ai déjà eu la chance de voir en concert, j’ai diffusé les chansons en boucle, les trouvant toutes entraînantes et divertissantes. Toutes ? Non ! Car « L’enfant sorcière » fait curieusement tache dans l’atmosphère doux-dingue de l’album, d’une mélancolie inhabituelle pour Fersen. Et je me suis trouvée curieusement touchée par l’histoire de cette petite fille qui me semblait un écho déformé de ma petite enfance. Enfant de fée, pas très intéressée par les services religieux, je n’y trouvait d’intérêt que parce que je savais que le prêtre recevrait avec plaisir mon petit bouquet de pâquerettes, que je me hâterais d’aller cueillir dès l’envoi… Je me suis souvenue des heures passées à jouer dans les prairies des Pyrénées Orientales, à confectionner de petits bouquets plantés sur des pommes de pin ou des écorces détachées des troncs. Oui, je me suis imaginée vivre à l’époque obscure des chasses aux sorcières et subir un sort semblable… Je vous livre une retranscription fidèle des paroles.


Elle était l’enfant d’une famille très orthodoxe et fière
D’une première union, elle ne voulait pas dire sa prière,
A l’église, elle avait peur de l’homme noir dans sa chaire.

Et comme elle montrait cette aversion pour le service divin,
Elle fut confiée à l’homme noir, un homme dur, afin
Que le Seigneur pût conduire son oeuvre triste à bonne fin.

Sous les ronces et le lierre est la tombe de l’enfant sorcière.

Refusant le plan conçu pour elle par l’Insondable Maître,
Elle s’est enfuie, on l’a trouvée en haut du bois de hêtres,
Son habit de pénitente avait passé par-dessus tête.

Elle fascinait les truites prudentes de la rivière,
Charmait les oiseaux, menait son jeu avec une vipère,
Elle fut reprise et enfermée au presbytère.

Sous les ronces et le lierre est la tombe de l’enfant sorcière.

Elle se glissa dehors, enfant de fée ou de lutin,
Dans une petite fosse creusée dans les haricots du jardin,
On l’a retrouvée mouillée de rosée du matin.

Il y a eu grande tristesse parmi notre petit nombre
Au moment où le cercueil allait descendre dans la tombe,
On a entendu un cri venant du royaume des ombres.

Par le chirurgien, le couvercle de bois fut enlevé,
En nous regardant, la petite morte lentement s’est levée,
Poursuivie par les enfants, comme une chatte s’est sauvée.

Elle s’est effondrée sans vie en haut, en haut du bois de hêtres.
Les enfants l’ont cajolée dans l’espoir de la faire renaître,
Le sacristain dans le vent faisait résonner sa clochette

Sous les ronces et le lierre est la tombe de l’enfant sorcière.
L’enfant sorcière, Thomas Fersen, « Je suis au Paradis »

En effectuant quelques recherches, j’ai appris que Fersen s’était inspiré d’un texte de Gottfried Keller…D’une tristesse insondable et dont je préfère vous faire grâce.
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