« Au commencement fut la vitesse, le pur mouvement furtif. Puis le cosmos décéléra, pris consistance et forme, jusqu’aux lenteurs habitables, jusqu’au vivant, jusqu’à nous. Bienvenue à toi, homo lento, homo legato, poussif tresseur de vitesse ! »
Parler de la horde est difficile. Il y a trop à dire et j’aurai la sensation de perdre la pureté du message originel en l’édulcorant trop. Pourtant cette œuvre m’a tant émue, remuée, fait réfléchir que je me sens comme une obligation de transmettre le témoin. Oui oui, œuvre, n’ayons pas peur du mot, car c’est bien plus qu’un simple livre. Outre le fait qu’un CD musical accompagne la lecture, bande-son du livre, il s’agit d’un univers en son (en soit), complet, vivant.
L’étoffe dont sont tissés les vents
S’il est difficile d’entrer dans le livre, il est impossible d’en sortir. Même à présent, près d’un an après ma première lecture (oui, je l’ai déjà relu plusieurs fois…) il me semble n’en être pas sortie. C’est que pour étrange qu’il paraisse, « La horde du contrevent » parle de nous, de notre monde, de nos relations avec ceux qui nous entourent.
La SF comme la fantasy demande au lecteur de bien vouloir abandonner les règles qui régissent le monde normal pour en adopter d’autres définies par l’auteur. Je vous accorde que ce n’est bien souvent qu’une facilité de l’auteur qui peut ainsi manipuler l’histoire à sa guise.
Cependant, il est quelques auteurs certes rares, mais d’autant plus précieux qui usent de ce moyen pour explorer les facettes de notre propre réalité. Les exemples abondent : Dune, pour n’en citer qu’un. Cette œuvre m’a longtemps (en fait du jour où je l’ai découverte – à 11/12 ans ? – et encore maintenant) inspiré une sorte de philosophie pratique de « l’équilibre ». Je n’ai jamais trouvé de slogan harmonieux pour la résumer mais disons que l’excès en tout est nuisible et que la modération résout bien des conflits. De la tension naît la création (elle est donc nécessaire) mais de l’équilibre vient l’apaisement, qu’il me paraissait bon de rechercher.
Sans abandonner tout à fait cette idée, j’ai décidé de tenter de vivre « tout simplement ». Disons-le tout de suite, cela n’a rien de simple ! Cette volte- face est le fruit d’une longue réflexion, mais la lecture de la Horde en fut le révélateur. Je n’emploie pas le mot volte-face par hasard, car (outre que ce soit le mot d’ordre de l’auteur) il s’agit bien pour moi d’un changement de cap radical. Comme je ne suis pas encore sûre d’y parvenir, je vous laisse le soin de découvrir par vous-même ce que j’entends devenir (lire le livre pourrait donner des indices… quoi ? vous voulez d’abord savoir de quoi ça parle? Mais je ne parle que de ça depuis le début? non? )
Bon, puisque vous insistez…La Horde du Contrevent, ce sont 23 hommes et femmes qui cherchent l’origine du vent, d’Aval en Amont et jusqu’à l’Extrême-Amont, qui ont été éduqués dans ce seul but. Il y a Ω, Golgoth, le traceur (le chef si on veut), ) Sov, le Scribe qui note les formes du vent selon un langage qui en décrit le rythme, la vitesse, la consistance et composé uniquement de signes de ponctuation, des chasseurs, un aéromaître, un géomaître, etc. chacun son rôle et sa place. Chacun sa voix aussi dans l’histoire et c’est ce qui peut-être peut vous dérouter au départ dans le récit. Chaque voix, chaque personnage possède un symbole tatoué sur le bras qui l’identifie. Les voici en vrac : ‘, ) )- √ ∫ ∞ ∂ ∆ Ω π ¿’ ◊ ]] > ^ ˇ• ≈ x (.) ∼
Le livre est comme une symphonie de toutes ces voix mêlées où chaque partition serait notée à la clé par un de ces symbole qui indiquerait quel instrument doit jouer. Chacun a sa personnalité et son vocabulaire, sympathique ou détestable. Plus que l’histoire d’une quête de l’origine mythique et mystique du vent, ce livre relate les liens qui les tissent en un tout vivant.
Je ne pensais pas dire tant de choses, mais si vous avez tenu jusque là, je vous demande juste un petit effort supplémentaire et je fais place à présent au troubadour, j’ai nommé Caracole, de la 34ème horde :
) Caracole saisit son bâton de vent et le fit tourner, telle une hélice, au-dessus de sa tête. Le bois se mit à siffler dangereusement. En deux phrases il fut dedans : – Au commencement fut la vitesse – une nappe de foudre fine sans couleur ni matière – qui se dilatait par le ventre – fuyant de toute part dans un espace étalé à mesure – et qui s’appelait… le purvent ! Le purvent n’avait strictement aucune forme : il n’était que vitesse – vitesse et fuite, ne permettant à rien d’être ni de tenir. A force de s’étirer pourtant, cette flaque de foudre finit par se déchirer, ouvrant l’ère du vide et du plein, et celle des vents disjoints, qui ne s’est jamais refermée.
Vertigineux…. et décoiffant !!!!